Les douleurs ressenties en fosse iliaque gauche peuvent avoir de multiples origines. Lorsque ces douleurs s’accompagnent de fièvre, de troubles du transit ou d’une inflammation biologique, la diverticulite doit être envisagée parmi les hypothèses diagnostiques. Cette pathologie correspond à l’inflammation de poches muqueuses, appelées diverticules, qui se forment à travers la paroi du côlon.
Le repérage précoce de la diverticulite est essentiel : il permet de limiter le risque de complications sévères et d’adapter le traitement rapidement. La prévalence de cette affection a augmenté au cours des dernières décennies, en raison notamment du vieillissement de la population et de l’évolution des habitudes alimentaires. Le praticien tient compte d’un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et d’imagerie pour confirmer le diagnostic.
Sommaire
Définition et anatomie des diverticules
Les diverticules sont des protrusions muqueuses formant de petites poches à travers la couche musculaire du côlon. On distingue :
- Diverticules vrais : impliquant toutes les couches pariétales, plus rares et localisés surtout dans le côlon droit.
- Pseudodiverticules : ne comportant que la muqueuse et la sous-muqueuse, très fréquents dans le segment sigmoïdien.
Ces structures apparaissent sous l’effet d’une pression intraluminale élevée, souvent liée à une carence en fibres alimentaires. Lorsque la muqueuse se fragilise ou que des bactéries prolifèrent dans un diverticule, une inflammation locale survient, qualifiée de diverticulite.
La classification de Hinchey, fondée sur l’imagerie, permet de stratifier la sévérité :
Stade | Critère principal |
---|---|
I | Abcès péricolic limité |
II | Abcès pelvien ou intra-abdominal |
III | Péritonite purulente |
IV | Péritonite fécale |
La distinction entre formes localisées et formes étendues oriente les choix thérapeutiques et le pronostic.
Épidémiologie et prévalence
La fréquence des diverticules augmente avec l’âge : plus de 50 % des personnes de plus de 60 ans en présentent, selon les données nationales. Parmi elles, 4 à 8 % développeront une diverticulite aiguë au cours de leur vie.
- France : prévalence de diverticulose estimée à 31 % après 60 ans, avec 5 % de complications inflammatoires aiguës (Assurance Maladie 2023).
- États-Unis : incidence annuelle de 180 cas pour 100 000 habitants, en hausse de 35 % chez les moins de 50 ans (Mayo Clinic 2022).
- Royaume-Uni : 25 % des plus de 65 ans sont concernés, dont 7 % développent une diverticulite aiguë (NHS 2021).
- Japon : prévalence variant de 5 % en zone rurale à 15 % en zone urbaine, avec une tendance croissante (étude nationale 2022).
Le vieillissement démographique et l’évolution des habitudes alimentaires expliquent en partie cette augmentation globale.
Symptômes cliniques
La présentation dépend du stade et de l’étendue de l’inflammation :
- Douleur abdominale : localisation en fosse iliaque gauche, progressive ou parfois aiguë.
- Fièvre : généralement supérieure à 38 °C, avec parfois des frissons.
- Troubles du transit : constipation prédominante, diarrhée occasionnelle.
- Ballonnements : sensation de lourdeur ou de plénitude.
- Ténesme : besoin impérieux de déféquer, parfois sans émission de selles.
Chez les sujets âgés ou immunodéprimés, la fièvre peut manquer et la douleur être diffuse. Dans ce contexte, le praticien reste attentif à tout signe inflammatoire persistant malgré une symptomatologie atténuée.
Un cas typique concerne un patient de 68 ans consultant pour une douleur sourde depuis trois jours, associée à une température à 38,2 °C et une constipation récente. L’imagerie a confirmé une diverticulite stade I, prise en charge en ambulatoire.
Diagnostic et outils d’imagerie
Le diagnostic s’appuie sur plusieurs éléments :
- Hémogramme : leucocytose à prédominance neutrophile.
- CRP et VS : élévation marquée traduisant l’inflammation.
- Échographie abdominale : utile pour détecter les collections et épaississements pariétaux.
- TDM abdominale : examen de référence, précise la localisation, l’étendue et la présence de complications (classification de Hinchey).
- IRM : alternative en cas de contre-indication à la TDM, notamment chez le sujet jeune.
- Coloscopie : différée six à huit semaines après la phase aiguë pour écarter une lésion néoplasique et évaluer la muqueuse.
La combinaison de l’imagerie et des marqueurs biologiques permet de définir un plan de traitement adapté.
Prise en charge thérapeutique
Les options diffèrent selon qu’il s’agit d’une forme non compliquée ou compliquée :
- Forme non compliquée :
- Repos digestif de courte durée puis réintroduction progressive d’un régime pauvre en résidus, suivi de fibres solubles.
- Antibiothérapie orale ciblée (amoxicilline-acide clavulanique ou fluoroquinolone associée à métronidazole) pendant sept à dix jours.
- Antalgiques simples (paracétamol), éviction des AINS.
- Suivi clinique et biologique à 48 heures pour confirmer la réponse au traitement.
- Forme compliquée :
- Hospitalisation avec antibiothérapie intraveineuse à large spectre.
- Drainage percutané sous guidage scanner ou échographique pour les abcès volumineux (> 3 cm).
- Chirurgie urgente en cas de péritonite libre ou d’échec du traitement médical.
- Résection segmentaire élective différée six à huit semaines en cas de récidive ou de sténose symptomatique.
La décision se prend en concertation multidisciplinaire entre gastro-entérologues, chirurgiens et radiologues.
Prévention et mesures hygiéno-diététiques
Plusieurs mesures réduisent le risque de nouvel épisode :
- Alimentation riche en fibres : 25 à 30 g/jour, privilégier fruits, légumes, légumineuses et céréales complètes.
- Hydratation : 1,5 à 2 L d’eau par jour.
- Activité physique : au moins 150 minutes d’exercice modéré hebdomadaire.
- Probiotiques : certaines souches (Lactobacillus, Bifidobacterium) peuvent moduler le microbiote.
- Suivi médical régulier avec coloscopie et imagerie selon la sévérité initiale.
L’arrêt du tabac et la limitation des AINS contribuent également à préserver la muqueuse colique.
Complications et suivi à long terme
Sans prise en charge adaptée, la diverticulite peut évoluer vers :
- Récidives : 20 à 30 % des patients dans les deux ans.
- Fistules : 5 % des cas, souvent vers la vessie ou la peau.
- Sténose colique : fibrose cicatricielle provoquant parfois un syndrome occlusif.
- Péritonite : urgence chirurgicale, mortalité jusqu’à 10 % en cas de retard diagnostique.
Le suivi associe bilan endoscopique différé et contrôles d’imagerie pour adapter la stratégie thérapeutique à long terme.
Cas clinique représentatif
Un patient de 72 ans se présente pour une douleur sourde évoluant depuis quatre jours, irradiant vers le dos, avec une température à 38 °C et une CRP à 120 mg/L. L’examen révèle une douleur à la palpation en fosse iliaque gauche sans défense abdominale franche. La TDM confirme une diverticulite stade I sans collection. Le traitement est instauré en ambulatoire : repos digestif, antibiothérapie orale et suivi clinique rapproché. La résolution complète survient au bout de dix jours, sans récidive à six mois.
Diagnostic différentiel
La diverticulite peut être confondue avec :
- L’appendicite, surtout en cas de localisation atypique.
- Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.
- Le cancer du côlon, justifiant une exploration endoscopique.
- La colite ischémique ou infectieuse.
- Les pathologies gynécologiques (endométriose, infection pelvienne).
Un bilan adapté permet d’écarter ces diagnostics et de cibler la prise en charge.
Perspectives et recommandations
Les directives de la Haute Autorité de Santé (HAS), de l’American Gastroenterological Association (AGA) et de l’European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) insistent sur la personnalisation du traitement et le suivi des patients à risque. Les recherches récentes interrogent le rôle du microbiote et des fibres fermentescibles dans la prévention des épisodes inflammatoires. Des essais cliniques évaluent par ailleurs de nouvelles approches pharmacologiques visant à moduler l’inflammation muqueuse.
Un suivi multidisciplinaire et acteur centré sur la prévention reste la pierre angulaire d’une prise en charge efficace et durable.